La victoire

La course était terminée, la tortue avait remporté une grande victoire. Les autres animaux se regroupèrent autour d’elle pour la porter en triomphe.

Personne ne porta attention au lièvre qui avait la mine déconfite. Il alla vers le singe qui avait été choisi comme juge à l’arrivée et lui dit : “Je n’ai pas fini si loin. Nous étions presque sur la même ligne.”

Le singe le regarda d’un air amusé et en guise de réponse, pouffa de rire. Il alla ensuite rejoindre les autres animaux et leur partager la bonne blague et, à leur tour, ils éclatèrent de rire. 

Le lièvre comprit qu’il ne valait pas la peine de discuter avec eux et s’en alla tête baissée. Ce soir-là il dormit très mal.

Le lendemain, lorsqu’il sortit de chez lui, il vit la tortue assise sous un arbre. Il s’approcha de lui et lui dit : “Nous avons franchi la ligne d’arrivée pratiquement en même temps. Si je m’étais réveillé quelques secondes plus tôt, je t’aurais battu.”

Avant que la tortue puisse répondre, elle entendit un rugissement derrière elle. C’était e lion qui passait et avait entendu le lièvre essayer de se justifier. Comme le singe, le lion se mit à son tour à rire. Il dit au lièvre : “C’est quand même ta faute, tu n’aurais pas dû d’endormir. Pourquoi faire une sieste au milieu d’une course ?”

Se sentant humilié, le lièvre essaya de trouver une autre excuse. “A vrai dire, je ne me suis pas endormi. Je m’étais arrêté pour enlever un caillou dans mes chaussures.”

Cette excuse prononcée sans conviction ne réussit pas à convaincre le lion. Au contraire, cela lui fit rire de plus belle. Plus tard, il raconta aux autres l’excuse pitoyable que lui avait donnée le lièvre pour sa défaite. À partir de ce jour, les animaux se mirent à se moquer ouvertement du lièvre à chaque fois qu’ils le voyaient. Après quelque temps, ce dernier n’osa plus se montrer.  

Tout le monde était tellement pris à inventer des blagues au sujet du lièvre qu’ils ne remarquèrent même pas son absence. Tous sauf la tortue qui, comme à son habitude, se tenait à l’écart de tout ce raffut. Il remarqua que, depuis quelques jours, le lièvre ne venait plus dans le coin bouffer des feuilles de laitue comme il avait l’habitude de le faire chaque matin.

Il était justement en train d’y réfléchir lorsque l’âne et le cochon firent leur apparition. Le cochon lui dit : “Madame la tortue, il faut absolument que vous écoutiez la dernière blague que notre ami l’âne m’a racontée au sujet du lièvre.”

La tortue ne montra pas vraiment d’enthousiasme, il ne semblait pas d’humeur à écouter la blague de l’âne.

Le cochon ajouta : “Pourquoi vous faites cette tête, madame la tortue. Après tout, c’est grâce à vous que le lièvre a eu la leçon qu’il mérite et que nous pouvons maintenant en rire.”

La tortue leur demanda : “Quelqu’un a vu le lièvre cette semaine ? Je crois qu’il faut chercher à savoir s’il va bien ou non.”

L’âne dit alors : “Je crois seulement qu’il se cache parce qu’il a honte. C’est bien fait pour lui, cela l’apprendra à faire le frimeur.”

La tortue commença à se sentir irritée. Il regarda les deux compères avec colère et leur dit : “Oui, vous avez raison, le lièvre a eu une bonne leçon. Mais cette leçon est aussi valable pour nous tous. En vous moquant de lui parce qu’il a perdu, vous êtes en train de faire la même chose. C’est toujours important de rester humble et ne pas se vanter. “

Laissant les deux compères embarrassés, la tortue décida d’aller voir le lièvre. Il se dirigea lentement, comme à son habitude, vers la maison du lièvre. En chemin, il s’arrêta pour prendre quelques feuilles de laitue. Lorsqu’il arriva devant la maison, il frappa une première fois et attendit un moment avant de frapper une seconde fois. Après un long moment, la porte s’ouvrit et le lièvre se présenta sur le seuil. Il semblait si faible et fragile que la tortue eut du mal à le reconnaitre.

Le lièvre ne s’attendait pas à voir la tortue devant sa porte. Il lui demanda : “Pourquoi es-tu venu ici ? C’est pour te moquer de moi ? Laisse-moi tranquille !”

La tortue lui montra les feuilles de laitue qu’elle avait apportées et lui dit : “Non, je suis venue t’apporter à manger. Je ne t’ai pas vu depuis quelques jours et je me suis dit que tu dois sans doute avoir faim. “

Le lièvre hésita une seconde, puis il prit les feuilles de laitue que lui tendait la tortue et se mit à les manger. Après un moment, il dit à la tortue : “Tout le monde se moque de moi parce que tu m’as battu. C’est injuste. Pourquoi je dois être humilié pour un moment d’inattention sans lequel j’aurais remporté la course ? “

La tortue le regarda avec une expression plein de compassion : “Je crois que ce qui t’arrive est un peu de ta faute. En te vantant, tu as provoqué les autres et les as fait se sentir inférieur. C’est pour cela que maintenant ils se réjouissent de ta défaite.”

Le lièvre détourna le regard, un peu gêné. Ensuite il dit : “Mais je ne me suis pas moqué de vous. C’est vrai que je suis plus rapide que vous. “

À ce moment, une idée lui passa par la tête et il ajouta : “Pourquoi, on ne fait pas une autre course devant tout le monde ? Je suis sûr que cette fois je te battrai. Et les autres ne pourront alors plus se moquer de moi.”

La tortue secoua la tête et dit : “Je sais que tu es plus rapide que moi. Tout le monde le sait déjà. Sauf toi ? “

Le lièvre était surpris par cette affirmation. Il dit : “Mais je viens de te dire que je suis plus rapide que vous. “

La tortue insista : “Oui, tu le dis sans en être convaincu, sinon tu n’aurais pas eu besoin de le prouver. “

La tortue ajouta : “Tu sais pourquoi j’ai quand même participé à la course ?”

Le lièvre le regarda fixement. « Non, dis-moi ?»

La tortue répondit : “Avant la course, je n’étais pas sûr de pouvoir aller jusqu’au bout. J’ai participé car je voulais me prouver que je pouvais le faire. Même quand tu as pris de l’avance sur moi, je n’étais pas découragé. J’étais motivé de continuer.”

Le lièvre n’était pas sûr de comprendre. Il dit : “Donc pour toi, ce n’était pas important de gagner ? “

La tortue sourit et dit : “Non, je n’ai pas participé pour te dépasser, mais pour dépasser mes propres limites.”

“Mais moi, je voulais te battre, ” concéda le lièvre.

“Je sais, c’est pour cela qu’une fois que tu as pris de l’avance sur moi, tu n’étais plus motivé à continuer et tu as fait la sieste. “

Le lièvre était obligé de reconnaître que c’est exactement ce qui s’est passé. Il ne savait pas quoi dire.

Il venait de terminer de manger ses feuilles de laitue et avait recouvré sa force. Il avait maintenant soif. “Je parie que je peux battre si on fait une course jusqu’à la rivière.”

Le sentiment d’injustice qui l’habitait depuis la fin désastreuse de la course ne le quittait pas. Il savait que la tortue avait gagné par chance, elle venait d’admettre que ce n’était pas sa rapidité réelle qui lui avait valu la victoire.

“Je ne suis pas intéressé à concourir contre toi, ni contre personne,” déclara la tortue. “Si on vit sa vie à tout le temps prouver qu’on est meilleur que les autres, on finit malheureux. La seule personne que tu dois dépasser, c’est toi-même. C’est la plus belle victoire est celle que l’on remporte contre soi-même. “

Le lièvre avait enfin compris la leçon. Voyant sa mine déconfite, la tortue cligna des yeux et lui dit : “Mais si cela te dit d’y aller lentement vers la rivière, on peut y aller ensemble.”

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