La vilaine petite pomme de terre
Il était une fois une pomme de terre qui se trouvait laide. Tout avait commencé, un jour, lorsqu’elle s’était retrouvée sur un étal de légumes au marché avec d’autres pommes de terre. Elle fut pesée dans une balance, placée dans un sac pour être emportée par une ménagère. C’est ainsi qu’elle se retrouva dans un panier en osier dans la cuisine en compagnie d’autres pommes de terre et fut bien vite adoptée par ces dernières qui la considérèrent comme une des leurs.
La petite pomme de terre fut toute contente d’avoir de nouvelles amies ; elle aimait être avec elles et passa le plus clair de son temps en leur compagnie, à se chahuter, à se raconter des blagues et à rire. Mais, petit à petit elle se rendit compte qu’elle n’était pas comme les autres pommes de terre. Par exemple, elle avait le teint rouge tandis que toutes les autres pommes de terre avaient une couleur jaunâtre.
Puis, arriva le moment où on fit des frites. Il y avait une certaine excitation parmi les pommes de terre. Elle voulut savoir pourquoi et on lui dit que c’était le rêve de toute pomme de terre de faire partie d’un plateau de frites. En entendant cela, elle décida de se mettre à côté des autres pommes de terre et attendit son tour pour être sélectionnées. Elle vit une à une, des pommes de terres être épluchées, lavées, découpées et plongées dans l’huile et ressortir plus tard, devenues de croustillantes frites. Elle resta là à attendre mais son tour n’arriva pas. Elle ne fut pas choisie et resta dans le panier avec quelques autres pommes de terre.
Pour la première fois, ce jour-là, elle eut le sentiment désagréable de n’être pas assez bien. Elle s’efforça de ne pas trop y porter attention en pensant à autre chose. Bientôt d’autres pommes de terre arrivèrent et la petite pomme de terre fut toute contente de se faire d’autres amies et oublia bien vite son sentiment de malaise.
Un matin, lorsqu’elle se réveilla, elle remarqua qu’il régnait une excitation particulière parmi les pommes de terre. Elle apprit que c’était le jour de la fête du briani. Ses amies s’empressèrent de lui raconter que c’était la gloire suprême pour toute pomme de terre de faire partie d’un plat de briani délicieusement parfumé, délicatement posée sur le riz à côté d’un morceau de viande. Il s’agissait d’un grand prestige car le briani était préparé seulement lors des grandes occasions, et faire partie d’un briani était encore plus de classe que d’être transformée en frites ou en purée. Pendant un moment, elle s’imagina le bonheur que d’être elle aussi sur un plat de briani.
Le moment venu, les pommes de terre furent alignées, lavées, épluchées, découpées et furent toutes choisies pour faire partie de ce grand repas, de cette fête si grandiose, que le parfum embaumait toute la cuisine. Toutes sauf une ; la vilaine petite pomme de terre se retrouva une fois encore mise de côté et, cette fois, elle se retrouva toute seule dans le panier en osier. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre ce qui n’allait pas avec elle, pourquoi on la rejetait à chaque fois. En plus, tous ses amis étant partis, elle n’avait personne avec qui partager sa peine et cela la rendit encore plus triste.
Quelques jours après, d’autres pommes de terre arrivèrent, toutes joyeuses, prirent place dans le panier et découvrirent leur nouvelle amie. Elles essayèrent de lui parler mais, cette fois, la pomme de terre préféra rester tranquille dans son coin. Elle n’essaya même pas d’être leur amie. Elle savait que les nouvelles arrivantes allaient à leur tour partir et qu’elle se retrouverait à nouveau seule, sans personne. Mais, cela ne l’empêcha pas de les observer du coin de l’œil. Elle se mit à envier leur fraîcheur et leur énergie, alors qu’elle commençait à se sentir plus vieille chaque jour et avait le sentiment d’être tout à fait inutile dans son panier en osier.
Un matin, elle remarqua qu’il y avait une animation particulière autour d’elle. Plus la journée avançait, plus elle voyait les gens occupés à des activités diverses. On avait installé des lumières qui illuminaient la nuit, qui avait commencé à tomber, à l’intérieur et à l’extérieur de la maison. C’était le soir de Diwali, la fête de la lumière. Dans la cuisine, tout le monde s’affairait à préparer des gâteaux. Toutefois, pour les pommes de terre, ce n’était pas une soirée spéciale. Cette fête ne les concernait pas, car pour Diwali, on préparait des gâteaux et les pommes de terre n’y avaient pas leur place. Leur truc, c’était les repas.
Aussi, grande fut la surprise de la vilaine petite pomme de terre lorsque la ménagère vint la chercher, la prit avec soin pour la laver, l’éplucher et l’inviter à se joindre à la préparation de gâteaux. Mais pas à n’importe lequel, au plus délicieux des gâteaux : le gâteau patate. C’est à ce moment-là que toutes les autres se rendirent compte que la vilaine petite pomme de terre n’était pas une pomme de terre mais une patate douce.
Sous les yeux envieux de ses amies pommes de terre qui l’observaient du panier en osier, la patate se retrouva en compagnie des ingrédients de marque, comme la farine, le coco râpé, le sucre en poudre et l’extrait de vanille. Mais, c’était bien elle la star de la recette car le gâteau portait son nom à elle et de personne d’autre. Les gâteaux patates, comme souvent lors de la fête de Diwali, furent très appréciés des convives, qui n’arrêtaient pas de s’exclamer : «Oh wow, il est vraiment succulent ce gâteau patate.»
Depuis ce jour, l’histoire de la fameuse patate se raconte de génération en génération parmi les pommes de terre. Ce n’est pas souvent qu’une des leurs arrive à faire partie d’un gâteau aussi prestigieux et succulent. Les petites pommes de terre écoutent cette histoire avec un mélange de fierté et d’admiration dans les yeux et se disent : «Cela doit être merveilleux d’être une patate douce.»